Le Lorrain 11 février 1920

A travers la lorraine : Bourdonnay

   « Pourquoi me disais-je (Camus, ex-conventionnel, membre de l’Institut), les rues de ces villages ne sont –telles que mares et trous à fumier ? Je vois que les habitants, riches en bestiaux, riches en terres, prisent beaucoup les engrais ; mais la salubrité de l’air, la propreté des places et la santé des hommes n’ont-elles pas aussi quelque valeur ? (1802). Les rues de Bourdonnay ne sont plus des mares à fumier, la route de Metz à Strasbourg traverse le village, mais maintenant elle est déserte. Il n’y a plus de relais de poste ! Les berlines qui conduisaient à Baden-Baden et à Vienne toute cette population élégante, ont disparu avec les chemins de fer. Les vielles auberges où dans le temps le postillon joyeux conduisait les familles anglaises, qui buvaient le vin de Vic comme du Bourgogne et en emportaient toujours quelques bouteilles, se sont fermées l’une après l’autre. Mais la Tête d’or est toujours debout et on y trouve bonne table et bon gîte. (La tête d’or, est devenue le Café des Abeilles).

     Le roi Charles X traversa le village le 8 septembre 1828. « A Bourdonnay, dit la relation officielle, le baron de Jankovitz, député et membre du conseil général, présenta les autorités locales et un nombreux clergé revêtu de ses habits sacerdotaux et qui s’était réuni au curé, M. Dieulin. Le roi se montra très affable et laissa au maire des marques de sa magnificence. Deux arcs de triomphe avaient été dressés, l’un à l’entrée, l’autre à la sortie du village et 150 colonnes revêtues de mousse et surmontées de drapeaux et fleurs délysées (désigne un écusson, un étendard, une étoffe) étaient placées dans l’intervalle de ces deux arcs.

  Le roi avait dans sa voiture, son fils le dauphin et le Prince de Polignac premier écuyer, et le duc de Croysobre, capitaine des gardes. Le ministre de Martignac, les ducs de d’autres de Maillé de Fitz-James suivaient. Les grands officiers de la couronne étaient dans quatre carrosses ; puis venaient une vingtaine d’autres dans lesquelles se trouvaient les personnes attachées à la maison du roi.

     Inutile de dire que des nombreux chevaux de poste étaient venus renforcer ceux de Bourdonnay.

    Le 16 du même mois, la dauphine (la Duchesse d’Angoulême) fille de Louis XVI, passa également à Bourdonnay allant vers Metz. Le curé s’approcha de la portière pour lui adresser un compliment pendant que l’on changeait les chevaux ; mais la noble voyageuse s’adresse au maire M Homo, lui demanda combien il y avait de lieus jusqu’au prochain relais et la voiture partis au grand trot.

       La population a diminué considérablement d’année en année. En 1855, il y avait 991 âmes ; maintenant on compte 476 habitants et 123 maisons. Après la signature du traité de Francfort, 119 habitants ont choisi la nationalité française.

     On peut se figurer ce qu’était une grande voie de communication allant sur Paris. Outre les voitures publiques, les chars à bancs, les chaises de poste, etc, qui passaient journellement, la route était remplie d’une foule compacte qui à la fin faisait corps et gitait au même endroit, hommes, femmes, filles et garçons se dirigeant à pied vers la capitale. On entendait toutes les langues, on suivait toutes les religions et à la fin du voyage, tout ce monde interlope s’entendait à ravir. A cette population flottante venaient s’ajouter les troupeaux que l’on conduisait, les moutons du Nuremberg, les dindons, les oies, etc. on peut penser qu’elle cohue dans le village quand tout cela se rencontrait, que de coups de fouet, de jurons… ! C’était le beau temps pour le commerce local, Maintenant tout à disparu.

     De son ancienne splendeur, Bourdonnay a conservé un notaire, un percepteur et un bureau de poste aux lettres. Depuis1871, on y a mis des gendarmes à cause du voisinage de la frontière.

   Avant 1789, le village dépendait du tempore, de l’évêque de Metz, il était de la châtellenie de Lagarde, bailliage de Vic, soumis au parlement de Metz. Au moyen âge, le château du lieu appartenait à un noble de nom d’armes qui disparut vers le quinzième siècle. Le fief fut repris par plusieurs familles jusqu’à la révolution et le nom resta à une maison assez grande située sur la hauteur du village. En 1775, la veuve de Guillaume d’Hunolstein fait la reprise du fief.

     En 1790, les chartreux de Bosserville près de Nancy avaient 127 jours de terre, vendus le 37 mai 1791 à Nicolas Germain, depuis maire et membre du district, qui occupait l’habitation dite le château et dont le fils unique Nicolas sous-lieutenant payeur au 11° bataillon de gardes nationaux de la Meurthe, fut tué d’un éclat d’obus en traversant la place d’armes de Longwy lors du siège en 1816.

     Le curé de Bourdonnay, la fabrique de l’église, le vicariat de Dieuze, avaient aussi des champs et des près, l’évêché de Metz possédait 79 jours de terre vendus le 18 août 1795.

Quelques cantons du ban méritent trou de l’ours), le clotre, le charron, d’être cités : la goutte l’ours », « le bois de la ville » qui indique peut-être qu’il y avait une ancienne cité en cet endroit. Les deux fontaines saint Jean et saint Pierre passent par les fébrifuges. Il y a encore des noms allemands « Corvées Petermann, Braissematt,, la Folle Briche, Langmatt » etc.

        Les archives communales ne contiennent que des titres forestiers ; 1975 à 1686, sur les bois du Cugnot, de Fribourg, la Ville, le droit de glandée aux Cappenotes, la vaine pâture, sur Videlange et l’étang d’Ommeray, etc… Les registres de l’état civil remontent à 1673, les comptes communaux à 1768, et les délibérations à l’année suivante.

   La plus ancienne mention du village et dans un chartre de l’an 1256 de l’abbaye de Vergaville.

En 1721, Nicolas Boileau, avocat au parlement de Metz, était seigneur du fief de Bourdonnay : sa fille Jeanne épousa vers 1730 Alexandre Gérard, officier au service de Lorraine et lui apporta en dot, le fief temporel curae Bordonnensis. Cette famille était des descendants des Ducs de Richelieu, ainsi le Domaine a ensuite appartenu à Armand-Emmanuel-Sophie-Septimanie de Vignerot de Pontcourlay du Plessis, duc de Richelieu.

En 1791, une partie du domaine de Marimont (316 hectares est acheté par Marie-Anne Collot.

   Comme nous l’avons déjà dit, au moyen âge, le noble maître de la « forte maison » conduisait en temps de guerre, à l’évêque de Metz, son suzerain, les manants armés de son village. La guerre terminée, le pauvre noble revenait avec ses hommes ; il était plus ruiné et misérable qu’avant. C’est l’histoire de tous ces petits hobereaux (Gentilhomme campagnard) de village.

     Au point de vue spirituel, Bourdonnay était une bonne paroisse sous l’évocation de saint Rémy. Les chanoines de Vic étaient décimateurs du ban et nommaient le curé. En 1765 il y avait 450 communiants, le revenu du curé était estimé à 1000 francs et la fabrique avait 18 francs annuellement. Le cimetière, un des plus beaux du pays, a été transféré à l’ouest du village, sur la route de Metz à côté du Guévoir. Bourdonnay eut toujours de bons prêtres. Ce fut d’abord le curé Jean Chenet, archiprêtre de Marsal (1771) qui laissa en mourant un peu avant 1789 la somme de 15000 francs aux pauvres pour les aider en cas de pertes de bestiaux ou d’incendies. Puis le vénérable jean Sébastien Dieulin, né à Xures, le 14 mars 1794, qui en 1834, fut nommé vicaire général du diocèse de Nancy   il mourut à la tâche le 14 mars 1847 et fut enterré à Xousse Pour montrer qu’elle était son aptitude au travail, on peut citer le fait suivant. Le curé de Lixheim avait été condamné par le tribunal de Sarrebourg pour refus de dévoiler un secret reçu en confession. M Dieulin prépara en 24 heures un factum parfaitement écrit qui fut imprimé et distribué aux membres de la cour d’appel de Nancy.

Un arrêt du 16 mai 1841, cassait le jugement de Sarrebourg. On a le portrait de ce prêtre distingué. M. Dieulin est aussi l’auteur du Guide des Curés dans l’administration temporelle des paroisses, excellent ouvrage toujours consulté.

   Le village a des revenus, grâce à sa forêt communale. Cela n’empêche pas que sa population diminue tous las ans. Il n’y a une remarquable église orientée est moderne ; elle fut reconstruite aux frais du chapitre de Vicollateur. Sur la porte on lit : Terribilis locus site est 1731. La base de la tour carrée doit être ancienne. Le chœur est bien décoré de beaux vitraux donné par les habitants et la famille Jankovitz.

  Il a pour successeur un enfant d’Ommeray, l’abbé Décrion, aujourd’hui la paroisse est administrée par l’abbé L. Friant.

   En face est l’école des filles avec salle d’asile et ouvroir Sur la porte Religio et labor—puis Ecole chrétienne faites bien, laissez dire. C’est le baron Jankovitz qui a fondé la salle de l’asile, une des plus anciennes du pays. Il a aussi créé une petite pharmacie, établissement bien utile dans une localité éloignée des villes.

   On se souvient toujours avec reconnaissance de la bonne sœur Adelaïde, née Hatzig de la congrégation de Portieux. Son affabilité et ses bons soins les avaient gagnés tous les cœurs. Tout ce qu’elle avait été pour les pauvres : bien différente de ces religieuses qui ne songent qu’à amasser pour leur couvent. Aussi sa mémoire est-elle en bénédiction et elle le mérite bien.

     A la révolution, Bourdonnay fut le chef-lieu d’un canton comprenant Bezange-la –Petite, Coincourt, Donnelay, Hellocourt, Lagarde, Ley, Maizières, Moncourt, Ommeray et Xures. En 1801, le canton fut supprimé et réuni à celui de Vic.

     La triste époque de la Terreur se passa sans bruit à Bourdonnay, grâce aux bons étatd d’esprit des habitants.

     Le village a fourni de nombreux soldats et officiers aux troupes de la monarchie française. Quelques jeunes gens embrassèrent la carrière ecclésiastique, d’autres l’administration forestière. Ils s’y sont tous distingués.

     En 1870, les réservistes étaient à la batterie d‘artillerie de la garde mobile à Toul.

De Bourdonnay dépend le hameau de Marimont château et ferme, jadis ban à part du comté de Réchicourt, réuni en 1790.

                 Y.